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Édito du Poing Levé

Sélection, autoritarisme, écologie. Le mal-être croissant des jeunes ne tombe pas du ciel

Plus de 7% des jeunes ont déjà eu des pensées suicidaires selon Santé Publique France. Une détresse qui prend racine dans les politiques gouvernementales et plus largement un système à bout de souffle qui n’a rien à nous offrir.

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Sélection, autoritarisme, écologie. Le mal-être croissant des jeunes ne tombe pas du ciel

Crédit photo : Camille Stromboni sur Flickr, Creative Commons

Les 18-24 ans iraient de plus en plus mal, selon le dernier baromètre de Santé Publique France publié ce mardi. A partir de données récoltées au sortir de la pandémie, l’institut constate en effet une hausse des pensées suicidaires chez les jeunes, de 3,3% en 2014 à 7,2% en 2021. Un chiffre morbide, à croiser avec un autre qui l’est tout autant : le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les moins de 25 ans, derrière la conduite et avant l’alcool, et représente 16% des décès, selon la DRESS.

Lors de son passage sur la chaine YouTube d’Hugo Décrypte le 4 septembre 2023, Emmanuel Macron avait jugé « hyperimportant de poser un diagnostic sur la dépression » des jeunes, alors que près de 21% étaient concernés par cette pathologie en 2021. Si lui impute cela aux écrans et réseaux sociaux, la chercheuse en psychologie cognitive Séverine Erhel rappelait dans l’Express qu’il n’existe aucun lien prouvé entre leur usage et la détresse psychologique des jeunes.

En revanche, il parait incontestable que ce mal-être généralisé prend d’abord ses racines dans les grandes problématiques auxquelles sont confrontées les nouvelles générations. Dans une enquête internationale réalisée par des chercheurs de l’université de Bath, le constat est en effet sans appel : 75% qualifient l’avenir « d’effrayant » et n’en déplaise à Macron, ils sont également 58% à considérer que les gouvernements les trahissent. Un constat reconfirmé par la décision d’Attal de revenir sur la réduction de l’usage des pesticides pour satisfaire l’agrobusiness et la FNSEA, alors que 60% des jeunes interrogés sont « très » ou « extrêmement » inquiets de la situation climatique.

Également, l’institut mentionne dans son rapport l’impact des « difficultés économiques » sur le « risque suicidaire ». Une réalité qui ne pèse bien évidemment pas sur tout le monde : quand la majorité des étudiants vit avec 629 euros par mois et que 30% vont ou comptent aller dans une banque alimentaire selon l’enquête nationale du Poing Levé, Leclerc enregistre 55 milliards de chiffres d’affaires. Dans le même temps, le gouvernement augmente de 10% les prix de l’électricité, instaure le RSA conditionné à une activité professionnelle et promet une nouvelle loi travail.

De la même manière, Santé Publique France souligne que « la situation internationale (…) pourrait contribuer à une altération persistante de la santé mentale et au risque suicidaire ». Au-delà de la multiplication des conflits régionaux comme en Ukraine ou le génocide en cours à Gaza qui constitue une des plus grandes catastrophes du 21e siècle, c’est aussi la surenchère autoritaire et belliqueuse des puissances occidentales qui entre en jeu. De fait, alors qu’Attal a promis – pour la énième fois – de généraliser le Service National Universel et d’instaurer un « service civique écologique » obligatoire pour 50 000 jeunes, les gouvernements promettent à notre génération d’être la future chair à canon dans les conflits entre puissances. De quoi encourager le pessimisme d’une majorité de jeunes, qui considèrent carrément que l’humanité est « condamnée ».

Mais c’est au sein du système scolaire que les jeunes se sentent particulièrement étouffés. D’un côté, le gouvernement poursuit sa contre-offensive après les révoltes pour Nahel avec l’instauration de « travaux d’intérêts éducatifs », la généralisation de l’uniforme et en réduisant toujours un peu plus le droit des lycéens et collégiens à la parole. Encore cette semaine, une dizaine de lycéens mobilisés ont été convoqués par l’administration du lycée Racine : pour avoir bloqué leur établissement. Des coups de pression en règle qui s’ajoutent au rituel des interpellations devant les blocus et en manifestation.

De l’autre côté, la sélection s’accroît, et le stress aussi : 82% des élèves de terminale considéraient en 2021 comme « stressantes » les réformes du Bac et de Parcoursup, 20% seulement des enfants de 13 à 15 ans disent « beaucoup aimer l’école » et un tiers des adolescentes de 15 ans se sentent sous pression par les devoirs, selon un rapport alarmant du collectif « Nos Services Publics ». Des chiffres faisant écho à la situation de leurs aînés à l’université, qui considèrent à 82% que les études sont source d’anxiété. Mais cela ne suffit pas pour Attal, qui a promis de durcir les conditions d’admission aux examens du brevet et du baccalauréat.

Bref, pour en finir avec la détresse psychologique de notre génération, il faut en finir avec les politiques qui la génèrent, en détruisant la planète, en nous mettant en concurrence à l’école et sur le marché du travail, en voulant réhabiliter toute sorte de tradition militariste comme le SNU et l’uniforme ; le tout, en cherchant à nous ôter le droit à toute contestation. Autrement dit, s’ils veulent remettre à l’ordre du jour le « sois jeune et tais-toi » des années 60, la réponse appropriée reste encore celle des jeunes de mai 68.

Réponds à l’enquête du Poing Levé Lycées sur l’oppression scolaire.


            
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